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Submersion de Bruno Patino, critique de notre monde hyperconnecté

Posted on septembre 22, 2025septembre 24, 2025 By jeansaistrop76@gmail.com Aucun commentaire sur Submersion de Bruno Patino, critique de notre monde hyperconnecté

Les liens pour vous procurer les différentes versions

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Sommaire

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  • Submersion de Bruno Patino : Naviguer l’Océan Infini de l’IA et Retrouver Notre Liberté 🌊
    • Partie 1: Le Déluge Numérique et la Perte de Repères 🌌
      • La Nuit Disparue et l’Aube Perpétuelle 💡
      • Les Pleurs du Poisson Rouge dans un Océan Infini 🐠
      • L’Amplification Exponentielle : L’IA comme Vague Déferlante 🌊
      • L’Infini + 1 et l’IA : Le Nouveau Tournant 🤖
    • Partie 2: Le Calcul Intégral et le Paradoxe du Choix 🤔
      • L’Embarras du Choix : Quand l’Abondance Paralyse 🤯
      • La Délégation des Décisions : L’Algorithme, notre Serviteur… et notre Maître 🤖
      • La Violence du Calcul Intégral : Réduits à une Caricature ? 📊
    • Partie 3: Le Simulacre Généralisé : Quand la Fiction Remplace le Réel 🎭
      • Ruminations et Hallucinations : L’Esprit Humain Submergé 😵‍💫
      • Le Cheval de Troie des Réseaux Sociaux et la Perte de l’Autre 👻
      • L’Ère de la Fiction Permanente : Vivre dans le Faux 🌐
    • Partie 4: Vers une Issue : Reconstruire le Discernement et la Confiance 🙏
      • Les Envahisseurs : Réhumaniser nos Parcours 🚀
      • La Confiance : Un Pilier Essentiel 🤝
      • L’Odyssée de l’Espace : Une Renaissance Humaine 🌟
      • Construire le Discernement et Habiter la Multitude 🧘‍♀️
      • La Pensée et le Rêve : Redéfinir notre Horizon 🌅
    • Conclusion : L’Appel au Discernement et à la Confiance Retrouvée 💡

Submersion de Bruno Patino : Naviguer l’Océan Infini de l’IA et Retrouver Notre Liberté 🌊

Dans son ouvrage percutant, « Submersion », Bruno Patino, figure reconnue dans le paysage médiatique et auteur de livres éclairants comme « La Civilisation du poisson rouge », nous plonge au cœur d’une réalité numérique en pleine mutation. Loin des prophéties apocalyptiques souvent associées à l’avènement de l’Intelligence Artificielle (IA), Patino nous invite à une réflexion profonde sur notre présent immédiat et notre avenir proche. Ce livre n’est pas une lamentation sur la fin du monde, mais une analyse lucide de la « révolution dans la révolution » que représente l’IA générative dans notre société hyperconnectée. Il explore comment le déluge incessant d’informations, d’images et de choix, amplifié par l’IA, menace notre capacité de décision, notre rapport au réel, et ultimement, notre liberté. Préparez-vous à plonger dans une analyse détaillée de ce phénomène de « submersion » et des voies possibles pour en sortir.


Partie 1: Le Déluge Numérique et la Perte de Repères 🌌

Le point de départ de la réflexion de Patino est un constat : nous sommes submergés. Cette submersion ne date pas d’hier, mais l’arrivée de l’IA générative la porte à des proportions encore inimaginables.

La Nuit Disparue et l’Aube Perpétuelle 💡

Bruno Patino débute son exploration en décrivant la perte de la nuit. Autrefois apprivoisée par la bougie puis repoussée par l’électricité, la nuit a finalement cédé la place à une « aube perpétuelle » avec l’avènement des écrans et de la connexion permanente. Cette lumière bleutée ininterrompue nous transforme en « papillons », éveillés, hagards, irrémédiablement attirés par leur rayonnement.

L’auteur partage son expérience personnelle de cette « a-somnie ». Confronté à l’infini des propositions numériques – 7 865 titres de musique, 2 300 épisodes de séries, 842 films, 14 abonnements à des journaux, 529 livres numériques, 3 054 comptes Twitter – il constate que cette abondance produit paradoxalement une « menace diffuse », un découragement. « Tout est là, et tout, c’est beaucoup trop ». L’oubli est au chômage, l’usure un concept ancien ; nous naviguons comme des dieux dans un passé et un présent enregistrés, mais cette majesté efface la fragilité de l’éphémère. Il faut choisir quand il faudrait dormir, et cette simple idée est épuisante. Nous devenons des rois accablés par trop de divertissements.

Les Pleurs du Poisson Rouge dans un Océan Infini 🐠

Patino reprend la métaphore du « poisson rouge » de ses précédents ouvrages, soulignant que nous sommes passés du bocal à un océan de plus en plus vaste. L’utopie numérique de 1996, avec sa « déclaration d’indépendance du cyberespace » prônant un âge d’or de partage et d’intelligence collective, n’est plus qu’un « manuscrit de la mer Morte ». Les pionniers de cette ère sont devenus les architectes d’empires, centralisant et privatisant un territoire vierge. Nous nous sommes auto-asservis avec gourmandise et insouciance, pensant maîtriser notre « télécommande universelle » qu’est le smartphone, alors que c’était en réalité notre maître travesti.

Cette connexion permanente fait de nous des poissons rouges sollicités près de cent fois par jour par des alertes. Les nouvelles puissances exploitent notre temps, extrayant nos données pour nous proposer une « dose de drogue quotidienne » de dopamine via likes, shares et emojis, qui nous installe dans une routine numérique où le temps est haché et l’attention envolée. L’économie de l’attention, basée sur notre temps d’écran, a ses poisons : troubles de la concentration, incapacité à se déconnecter, et un sentiment d’être rassasié de contacts avant même d’avoir réellement interagi. Elle altère notre lucidité sur l’espace public, transformant le débat en combat, l’échange en polarisation, et la démocratie en « émocratie » (une démocratie émotionnelle). Bien que nous puissions bricoler des stratégies de résistance (débrancher les alertes, paramétrer le temps d’écran), un déplacement majeur est en cours : la machine s’emballe, produisant toujours plus pour satisfaire un appétit qui n’est plus le nôtre, mais celui des plateformes qui en vivent. La faim nous quitte, remplacée par une lassitude face à l’abondance.

L’Amplification Exponentielle : L’IA comme Vague Déferlante 🌊

Le « flot » d’informations a toujours existé, mais il s’est transformé en déluge. Autrefois, l’accès à l’information nécessitait un effort. Les limites de l’attente, du déplacement, du partage, du désir, qui semblaient des frontières, étaient en réalité des bénédictions. Le flot est devenu un déluge qui tue le temps et asphyxie l’espace.

Patino retrace l’histoire de cette accélération. Le « big bang » remonte peut-être à 1969 avec le premier message informatique, ou à l’invention d’Arpanet, puis du World Wide Web par Tim Berners-Lee en 1989. Cette expansion, sans contrôle centralisé, a obéi à des lois mathématiques pragmatiques : la loi de Moore (doublement de la puissance de traitement des ordinateurs), la loi de Gilder (triplement annuel de la bande passante), et celle de Metcalfe (utilité du réseau augmentant géométriquement avec le nombre d’utilisateurs). Ces lois, même si leurs chiffres ne sont plus exacts, annoncent une réalité où il n’y a plus de limite physique à ce que nous pouvons recevoir.

Le véritable changement de paradigme survient en 2006-2007 avec l’iPhone, marquant l’époque de la connexion permanente. L’écran devient omniprésent, et les réseaux sociaux lancent la « conversation universelle », les sollicitations ininterrompues, et l’économie de l’attention via la publicité ciblée. L’humanité produit chaque jour 2,5 quintillions d’octets de données (textes, images, sons, codes), qui remplacent progressivement notre environnement direct.

L’Infini + 1 et l’IA : Le Nouveau Tournant 🤖

Ce qui s’annonce est un « océan qui se rajoute à l’océan, un infini qui se rajoute à l’infini ». L’émergence des Intelligences Artificielles Génératives (IAg), incarnées par ChatGPT, fait franchir une étape nouvelle à notre civilisation. Après la mécanisation de Gutenberg et la copie illimitée de l’Internet, nous entrons dans un troisième monde : un univers où la production infinie s’ajoute à la copie infinie et à sa dissémination illimitée, le tout orchestré par des machines. Il n’y a plus de limite humaine du côté de l’offre.

L’adoption fulgurante de ChatGPT (cent millions d’utilisateurs en deux mois) illustre notre éblouissement. Nous nous amusons, lui faisons écrire des chansons, des dissertations, et l’utilisons pour des tâches professionnelles. Mi-fascinés, mi-effrayés, nous nous imaginons remplacés, ou nous nous rassurons en pensant que l’important sera de poser les bonnes questions.

L’histoire de l’IA est pourtant ancienne, débutant avec Alan Turing et le terme « Intelligence Artificielle » en 1956. Des étapes comme le premier réseau neuronal (1963), ELIZA (1966), Deep Blue défaisant Kasparov (1997) ont jalonné son parcours. L’Internet a accéléré son développement en fournissant un nombre quasi infini de données et une puissance de calcul exponentielle. Le Deep Learning (années 2010) et les Large Language Models (LLM, 2018) ont conduit à la création d’OpenAI et au lancement de ChatGPT en 2022, marquant la collision entre l’histoire du réseau et celle de l’IA. Ce « big bang » est une fusion des deux, où ces histoires vont se confondre.


Partie 2: Le Calcul Intégral et le Paradoxe du Choix 🤔

Face à cette « submersion », nos capacités à choisir sont mises à rude épreuve, nous poussant à déléguer nos décisions, souvent à notre insu.

L’Embarras du Choix : Quand l’Abondance Paralyse 🤯

Nous sommes tous familiers de la situation de l’embarras du choix devant un écran, par exemple sur Netflix. Malgré des milliers de programmes, l’indécision s’installe, que l’on soit seul ou à plusieurs, au point de faire claquer les portes. Ce phénomène n’est pas nouveau (40% des couples ne veulent pas regarder la même chose selon Chevallier et Enders), mais il s’intensifie. Paradoxalement, nous en venons à penser qu' »il y a de moins en moins de choses sur Netflix » ou Spotify, alors même que l’offre est pléthorique (32 000 heures de programmes en France sur Netflix, 80 millions de titres sur Spotify, 500 heures de nouvelles vidéos par minute sur YouTube).

L’accroissement de l’offre devient contre-productif. Une étude britannique de 2021 révèle que nous passons en moyenne 100 jours de notre vie à décider quoi regarder. C’est une vie d’indécision et de passivité qui modifie notre rapport à la culture, au divertissement, à l’information. Les plateformes, pour capter notre attention, développent des instruments de « captologie » : alertes, sollicitations incessantes, effets de surprise liés à la « récompense aléatoire » (Skinner), et l’autoplay (lecture automatique enchaînée) pour créer un effet de complétude (Zeigarnik). L’économie de l’attention crée ainsi une « cascade de disponibilité de l’offre » (Cass Sunstein), que l’on perçoit comme le summum de la consommation ou la réalisation d’un rêve de liberté.

Mais cette submersion paralyse, le choix devient une « suffocation » (Sheena Iyengar).

La Délégation des Décisions : L’Algorithme, notre Serviteur… et notre Maître 🤖

Face à cette fatigue décisionnelle, une illusion techniciste s’impose : la technologie résoudra les problèmes qu’elle a créés. Si la puissance de calcul permet de générer des contenus à l’infini, elle devrait aussi pouvoir reproduire nos choix. C’est le sens de la délégation : comme le GPS remplace notre sens de l’orientation, les algorithmes se proposent de nous guider pour l’intégralité de nos choix. Ce n’est plus une liberté des Lumières (choisir), mais une « liberté à rebours » (ne plus avoir à choisir).

L’algorithme devient notre anxiolytique face au vertige de l’économie du choix. Films, livres, musiques – tout est en excès, et nous ne sommes plus en mesure de choisir vraiment. Nous laissons donc la formule choisir à notre place, se fondant sur ce qu’elle sait de nous et qu’elle croit deviner de nos désirs. La délégation n’est pas nouvelle (critiques, proches, publicité, mimétisme). Mais l’ère des plateformes marque une mutation du « pull » (nous allons chercher) au « push » (le contenu vient à nous). TikTok en est un exemple frappant, où l’on se laisse conduire par le flux « pour toi » en « swipant » verticalement, sans autre effort que d’écouter son ressenti immédiat. Une « culture Tinder » où l’on « swipe » les contenus en attendant de « matcher », au risque de la déception et de la lassitude.

Les algorithmes d’Intelligence Artificielle nous font ainsi « matcher » avec un livre, un menu, une voiture, un ami, une philosophie… Une rencontre immédiate, sans lendemain, et finalement, sans envie. Une double illusion s’installe : cette délégation nous libérerait de nos limites et serait fidèle à ce que nous sommes.

La Violence du Calcul Intégral : Réduits à une Caricature ? 📊

Les géants du numérique (Google, Amazon, Meta, TikTok) ont accumulé des décennies de données sur notre identité, nos comportements, nos goûts, nos relations. Ces algorithmes, en voulant nous servir mieux, risquent de nous asservir, nous réduisant à une « caricature ». L’idée de « bulle de filtres » (Eli Pariser, 2011), où nous sommes prisonniers de nos choix passés ou de ceux de nos semblables, a évolué. Les études plus récentes montrent que nous sommes souvent confrontés à des opinions opposées, mais de façon caricaturale. La bulle de filtres est devenue une « bulle de calcul », créant un environnement caricatural où nous nous sentons diminués.

Les « nudges » (coups de coude), décrits par Cass Sunstein et Richard Thaler, exportent ce phénomène hors écran. Ils visent à modifier nos comportements sans contrainte en agissant sur les paramètres du choix, nous poussant vers des actions prévisibles. La société industrielle cède la place à la société des données, où la « masse » (qui se contrôle) devient « multitude » (qui se calcule). Nous sommes calculés pour être mieux servis, mais potentiellement mieux assujettis à une idée réduite de nous-mêmes.

La violence du calcul naît de sa limite : la différence entre connaissance et reconnaissance. Réduire l’humain à un calcul, aussi précis soit-il, réduit la part d’imprévisible, d’erreur, d’acte gratuit qui nous définit. Le problème des voitures autonomes illustre ce dilemme moral : privilégier la survie du propriétaire ou celle d’un piéton. Alors que le calcul peut répondre mathématiquement, l’humanité nous pousse souvent à sauver autrui, même au détriment de notre propre existence, déjouant l’idée même de calcul.

Pour le philosophe Bernard Williams, la complexité de la vie humaine et de ses décisions ne peut être réduite à des théories systématiques ou utilitaristes. L’IA et les algorithmes ont une barrière infranchissable : devenir un agent moral. Notre choix doit rester imprévisible, nous permettant de nous percevoir comme des êtres libres et pensants. « Je ne suis pas une formule », pourrions-nous revendiquer face à la submersion qui nous pousse à le devenir.


Partie 3: Le Simulacre Généralisé : Quand la Fiction Remplace le Réel 🎭

Au-delà de la perte du choix, la submersion nous plonge dans un « grand simulacre », altérant notre rapport à la réalité.

Ruminations et Hallucinations : L’Esprit Humain Submergé 😵‍💫

Le déluge de signes, textes et sons forme un présent diffracté, où la mémoire personnelle peine à se construire face à la centrifugeuse permanente des sollicitations. Nous « remâchons le passé sans le digérer », devenant des « ruminants sous hallucinogènes ».

L’auteur fait un parallèle avec la nouvelle de H.P. Lovecraft, « L’Appel de Cthulhu », où l’accumulation d’éléments épars mène à la folie et à l’horreur. Lovecraft écrivait que l’incapacité de l’esprit humain à corréler tous ses contenus est « la chose la plus miséricordieuse au monde », et que l’assemblage de connaissances dissociées un jour nous mènera à la folie ou à fuir dans « un nouvel âge des ténèbres ». La submersion se traduit aujourd’hui par la fatigue, l’hallucination ou la fiction générale.

Patino utilise l’exemple de Don Quichotte, première victime d’une surexposition aux messages (romans de chevalerie). Don Quichotte ne voit plus le monde tel qu’il est, ses visions le poussent à un « combat incessant », il est la proie du « complot » (les enchanteurs expliquent tout), et son « ego trip » le conforte dans sa fiction. Nous sommes tous des Don Quichotte, suffoqués par les signes, sursollicités par les hameçonnages, éblouis par les images, assourdis par les sons. Le réel s’éloigne au profit d’un « costume d’Arlequin composé de fictions multiples qui nourrissent notre ego, nos croyances, nos combats, notre complotisme, notre paranoïa ».

Le Cheval de Troie des Réseaux Sociaux et la Perte de l’Autre 👻

Le modèle économique des réseaux sociaux, principalement publicitaire, vise à extraire toujours plus de notre temps, entraînant une addiction individuelle et une polarisation collective. Nous sommes tellement préoccupés par la « vie hachée » et l’espace public dégradé que nous n’avons pas vu une autre accoutumance : nous nous connectons sans vraiment rencontrer les autres, nous parlons sans parler.

Walter Ong, philosophe spécialiste de la Renaissance, a décrit le basculement des civilisations de l’oralité à l’écrit, puis à une « nouvelle oralité » des médias de masse. Les réseaux sociaux, selon Patino, créent une communication étrange qui « oralise l’écrit et transforme l’oral en écrit ». Poster sur les réseaux, c’est dialoguer en postulant la présence de l’interlocuteur, tout en utilisant une technique qui souligne son éloignement. L’Internet, selon Sam Kriss, ne délivre pas des messages, il « simule l’expérience d’être au milieu d’un groupe ».

Ce nouveau régime d’interaction fait une victime : l’Autre. L’expérience d’autrui, que Levinas définissait par l’accès à son « visage » (ses subjectivités, fragilités) et qui nous empêche de le tuer, est altérée. Que faire quand le visage se réduit à une pastille, une image filtrée, des parcelles de traces, ou un avatar, qu’on peut bloquer d’un clic ? Le développement sournois d’une « perception d’irréalité » de nos interlocuteurs s’installe. Si nous passons déjà plus de trois heures par jour à « converser » avec des « autres » qui ne sont plus vraiment là, leur existence réelle n’a plus grande importance.

L’Ère de la Fiction Permanente : Vivre dans le Faux 🌐

Nous entrons dans la société de la fiction permanente. Le rapport au réel passe au second plan dans une existence où l’on se « raconte » entre soi, et bientôt avec des « présences fictives » dont le seul but est de nous plonger dans leurs fictions au carré. Nous vivons déjà en partie dans l’empire du faux, influencés par des entités fictives, et une partie de nous « adore ça ».

L’exemple des concerts « Voyage » d’Abba, mettant en scène des avatars 3D hyperréalistes des membres jeunes du groupe, est éloquent. Le public, après quelques secondes d’étonnement, se comporte comme si les vrais membres étaient là, non par ignorance, mais par envie. « Quand on a envie d’y croire, la fiction est plus douce que la réalité ».

Ce basculement touche tous les aspects de notre vie. Face au chaos et à la complexité, nous cherchons refuge dans ce qui n’existe pas vraiment. Les « avatars profonds » utilisés pour la déstabilisation politique, des personnalités entièrement fictives avec des historiques élaborés par des entreprises israéliennes, dialoguent et manipulent sur les réseaux. Nous débattons, partageons, réagissons à leurs posts, alors qu’ils ne sont que des fictions aux « vraies conséquences ». Bientôt, des IA remplaceront les humains derrière ces créations fictives.

La submersion annonce le grand simulacre. Nous préférons inventer un « showrunner » pour nos existences que de constater son absence. La frontière entre le vrai et le faux est menacée. Avec l’IA générative, la question se pose : comment distinguer la production humaine de la production numérique ? Les auteurs auront-ils un rôle quand une requête simple permettra d’écrire un roman policier à la manière d’Agatha Christie ou des chansons « à la mode des Beatles » ? L’IA, utilisant des contenus existants pour en produire de nouveaux, ne connaît aucune des limitations humaines. Les premières productions de l’IA sont souvent des « caricatures de faux-semblants », nous disant ce que nous voulons entendre, produisant ce que nous voulons voir. Nick Cave a qualifié une chanson écrite par IA « à sa façon » de « reproduction grotesque de quelque chose qui semblait tellement humain ».

Il n’est pas certain que nous accorderons à l’avenir une importance fondamentale à la distinction entre production humaine et numérique. Les « prévisions » de Laodis Menard pour 2024, bien que non scientifiques, traduisent ce vertige : 95% du contenu en ligne produit par IA, interdiction de l’IA par des professionnels, apparition du label « conçu par des humains », et un pourcentage de jeunes adultes en relation amoureuse avec une IA. Ces prophéties, même si démenties, dessinent « la ligne de fuite du changement amorcé ». Le décor d’un « univers fictionnel » est posé, nous permettant de vivre dans une réalité alternative plutôt que d’affronter le réel. Des robots conversationnels avec nos chers disparus, basés sur des enregistrements et données numériques, offriront l’illusion d’un dialogue, d’une « émotion à sens unique » qui prétend nier le deuil. Le Métaverse, projet de Mark Zuckerberg d’un univers parallèle, pourrait être une « illusion » face au « grand simulacre » qui nous entoure déjà de présences virtuelles.


Partie 4: Vers une Issue : Reconstruire le Discernement et la Confiance 🙏

Face à cette submersion, Patino ne nous laisse pas sans perspectives. Il propose des voies pour retrouver notre liberté et notre rapport au réel.

Les Envahisseurs : Réhumaniser nos Parcours 🚀

L’auteur utilise la série télévisée « Les Envahisseurs » comme une allégorie. David Vincent, témoin d’une invasion extraterrestre indétectable pour la plupart, cherche à convaincre un monde incrédule. Transposé à notre époque, un David Vincent sur Twitter ou Facebook aurait été « liké » et partagé, mais son message noyé dans le « tout-venant illuminé » de la « centrifugeuse sociale », aurait-il été entendu ou interprété comme le délire d’un être instable ? La submersion, loin d’atténuer l’influence des prophètes paranoïaques, la renforce. Elle a créé une époque des « maîtres du buzz, des prophètes de l’outrance ».

Patino voit un message plus positif dans cette histoire : David Vincent trouve un sens à sa vie en cherchant un raccourci qu’il ne trouva jamais. À l’ère de Waze et Google Maps, il aurait trouvé le raccourci, n’aurait pas vu les soucoupes, et sa vie n’aurait pas dévié. La vie vaut par la déviation que l’imprévu provoque. La société des données nous rend prévisibles, nous impose des rails. Nous grandissons grâce à l’imprévisible, en cherchant ce que nous ne trouverons pas, pour trouver ce que nous ne cherchions pas. Les « envahisseurs d’aujourd’hui » sont les formules qui, en voulant mieux nous définir, nous entravent et nous ramènent à la moyenne.

La Confiance : Un Pilier Essentiel 🤝

Retrouver la liberté de faire des choix, de chercher sans trouver et de trouver sans chercher, est la feuille de route des médiateurs (médias, plateformes, institutions culturelles). Le consentement à une proposition algorithmique, pratique et rapide, ne doit pas être assimilé à un choix actif et éclairé. Il faut redonner des outils d’exercice de la responsabilité et reconquérir une part de libre arbitre.

La « découvrabilité » – l’art d’être trouvé sans être cherché – devient une mission essentielle. Cela implique un défi technologique : réduire l’amplitude de l’offre, contextualiser la démarche, expliquer les alternatives, être transparent sur le temps que demandera l’expérience. Le succès récent des propositions que l’on peut « achever » sans être redirigé montre notre besoin de repères et d’espaces de liberté.

Cependant, au-delà de ces défis technologiques et éditoriaux, se pose la question fondamentale de la confiance. Nous consentons massivement aux algorithmes dont nous ignorons les mécanismes, alors même que notre confiance envers les institutions familières (médias, politique, enseignement) s’effondre (« crash de la confiance » selon le baromètre Edelman). L’éditorialisation des réseaux, qui privilégie ce qui divise plutôt que ce qui rassemble pour l’économie de l’attention, y joue un rôle.

Il est difficile de croire que la prolifération des productions et la plongée dans le simulacre puissent inverser ce phénomène. Bien que 73% des internautes fassent confiance aux contenus produits par l’IA générative (sondage Capgemini, avril 2023), ce sentiment est techniquement infondé. ChatGPT, par exemple, calcule des phrases sans délivrer une réalité factuelle, produisant parfois des « hallucinations ».

Il est impératif de reprendre soin de ceux dont le métier est d’orienter, hiérarchiser, éclairer, trier, proposer. Enseignants, médias, institutions, associations doivent redevenir des « tiers de confiance », certifiant le réel face au simulacre et cherchant la vérité des faits face aux constructions personnelles. La confiance, ce n’est pas seulement faciliter le libre arbitre, c’est aussi offrir une garantie de réel. C’est la seule issue possible.

L’Odyssée de l’Espace : Une Renaissance Humaine 🌟

Patino invite à une « renaissance » inspirée de la séquence conclusive de « 2001, l’Odyssée de l’espace ». L’astronaute Dave, après un voyage stroboscopique qui mêle toutes les choses et les temps, retrouve un espace méditatif qui le mène à une sorte de renaissance, « l’enfant étoile ». La perspective n’est pas technique, mais humaine.

En se référant à Charles Percy Snow et son concept des « Deux Cultures » (scientifique et littéraire), Patino souligne que l’ampleur du changement actuel dépasse la seule perspective technique. La maîtrise de la technique ne suffit pas à nous protéger, la pensée scientifique est incomplète. Il faut former des ingénieurs, mais aussi des philosophes.

Construire le Discernement et Habiter la Multitude 🧘‍♀️

L’auteur rejette l’illusion du « cloître » (Paul Valéry), d’un isolement radical face à la modernité. Nous ne pouvons passer notre vie à être un barrage. Il faut, au contraire, accepter la « grande traversée », naviguer la submersion. Les promesses du réseau – rencontre, partage, découverte, intelligence collective – n’ont pas disparu, mais pour les retrouver, il faut s’armer.

Nos certitudes et nos croyances, nourries par les biais cognitifs, entravent notre liberté. Faire preuve de discernement devient notre « viatique » pour maîtriser la submersion. Le discernement, cette capacité à distinguer clairement les choses au-delà de l’intuition première, est une démarche cartésienne qui ajoute la vérification à l’intuition et à la déduction. Pour Ignace de Loyola, c’est la rencontre de la conscience éclairée avec la transcendance. Dans une version sécularisée, c’est une sagesse fondée sur la conscience de l’universalité. La sagesse, la philosophie, la pause et le silence sont les forces qui permettront de maîtriser les possibilités du réseau.

La multitude née du réseau est liquide, protéiforme, incapable de se fixer. Chacun s’y cherche et ne trouve souvent que la caricature de l’autre, éprouvant la solitude. Les requêtes Google sur « où rencontrer des gens » et le rapport du Surgeon General sur l' »épidémie de solitude » attestent de ce constat. Il est temps de retrouver le « visage de l’autre » (Levinas), en combattant le calcul par le culte du hasard et en construisant l’accueil de l’universel.

La Pensée et le Rêve : Redéfinir notre Horizon 🌅

Patino nous invite à changer notre image du réseau. Le « nuage » (cloud), métaphore si répandue de l’Internet, n’est pas un royaume éthéré et lointain, mais une « infrastructure physique » énergivore, avec une « empreinte terrestre ». Cette image a modifié nos corps et notre perception du monde, en plaçant des intermédiaires entre nous, notre corps et la nature.

Il faut abandonner cette métaphore, « libérer le ciel » de ceux qui prétendent le conquérir. Le réseau ne doit plus être notre ciel, mais notre sol, sur lequel nous pouvons construire, nous mouvoir et nous rencontrer, en dégageant l’horizon pour lui rendre sa dimension infinie et inaccessible. S’allonger sur l’herbe, écouter sa respiration, accueillir le ciel et les nuages sans les filtres Instagram, c’est reconnaître que l’humain et le vivant nourrissent le réseau et le cultivent, et non l’inverse. Enfin, il faut circonscrire le calcul pour redonner de l’espace à la pensée, et quitter le simulacre pour retrouver le rêve.


Conclusion : L’Appel au Discernement et à la Confiance Retrouvée 💡

« Submersion » de Bruno Patino est un appel vibrant à la vigilance et à l’action dans une ère numérique où l’abondance d’informations et l’intelligence artificielle menacent de nous déposséder de notre liberté de choix et de notre rapport au réel. L’ouvrage déconstruit l’illusion d’une liberté absolue offerte par l’infini des possibles, révélant la « fatigue décisionnelle » et la « paralysie » qu’elle engendre. En déléguant nos choix aux algorithmes, nous risquons de nous laisser réduire à une « caricature » calculable, perdant notre imprévisibilité et notre essence humaine. Pire encore, nous sommes entraînés vers une « société du simulacre », où la fiction et le faux se mêlent au réel jusqu’à le rendre indiscernable.

Cependant, Patino offre une voie pour « naviguer la submersion ». Elle réside dans le discernement, cette capacité à penser le monde au-delà des intuitions premières, en cultivant la sagesse et la philosophie. Il s’agit de reconstruire la confiance envers des tiers de confiance (médias, enseignants, institutions) qui certifieront le réel et nous aideront à exercer un libre arbitre éclairé. En fin de compte, l’auteur nous exhorte à ne plus subir le réseau comme un « ciel » divin et omniprésent, mais à le concevoir comme un « sol » sur lequel construire, échanger, et cultiver l’imprévu. C’est en faisant cela que nous pourrons retrouver notre capacité à penser et à rêver, transformant ainsi le déluge numérique en un espace d’émancipation véritable.

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