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D’un château l’autre de Louis-Ferdinand Céline : Un Voyage au Cœur de la Déchéance et de la Déraison 🏰✒️
« D’un château l’autre » est bien plus qu’un simple roman ; c’est une plongée vertigineuse dans l’esprit d’un homme marqué par la guerre, l’exil et une vision profondément désabusée de l’humanité. Publié en 1957 par Gallimard, cet ouvrage de Louis-Ferdinand Céline est unanimement considéré, aux côtés de Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit, comme l’une de ses œuvres majeures. Il s’agit d’une confession saisissante où l’auteur brouille les frontières entre le réel et l’imaginaire, entre l’autobiographie et la fiction, pour nous livrer une fresque grotesque et chaotique de l’Europe d’après-guerre et de ses propres déboires.
À travers un style unique, oral et subversif, Céline nous entraîne dans une spirale de souvenirs, d’invectives et de réflexions amères, naviguant entre la misère de son quotidien à Meudon-Bellevue et les souvenirs cauchemardesques de son exil à Sigmaringen. Cet article propose un résumé détaillé et une analyse approfondie de cette œuvre complexe, explorant la vie de son auteur, les thèmes qui traversent le récit et les particularités de son écriture célinienne. Accrochez-vous pour un voyage littéraire intense et provocateur !
Qui était Louis-Ferdinand Céline ? Retour sur la Vie de l’Auteur 📖👨⚕️
Pour appréhender pleinement « D’un château l’autre », il est essentiel de comprendre la figure complexe de Louis-Ferdinand Céline, un écrivain dont la vie fut aussi tumultueuse que son œuvre.
Jeunesse et Formation (1894-1924) 🇫🇷🌍
Louis-Ferdinand Destouches, connu sous son nom de plume Céline, est né à Courbevoie, Seine, le 27 mai 1894. Fils de Fernand Destouches, employé d’assurances originaire du Havre, et de Marguerite Guillou, commerçante, il a grandi dans un milieu modeste à Paris, passage Choiseul. Son grand-père, Auguste Destouches, était professeur agrégé au lycée du Havre.
Sa scolarité parisienne l’a mené aux écoles communales du square Louvois et de la rue d’Argenteuil, ainsi qu’à l’école Saint-Joseph des Tuileries. Détenteur de son certificat d’études, il a effectué des séjours en Allemagne et en Angleterre, avant de se lancer dans un apprentissage chez plusieurs bijoutiers à Paris et à Nice.
Un tournant majeur de sa jeunesse fut son engagement militaire en 1912 au 12e régiment de Cuirassiers, en garnison à Rambouillet. Une blessure reçue dans les Flandres en 1914 lui valut la médaille militaire et une invalidité de 70 %, une condition physique qui le marqua profondément et qu’il mentionne à plusieurs reprises dans l’œuvre.
Carrière Médicale et Émergence Littéraire (1924-1932) 🖋️🩺
Après un séjour à Londres, Céline est recruté en 1916 comme agent commercial dans l’ancienne colonie allemande du Cameroun. Atteint de paludisme, une maladie qui resurgit épisodiquement dans le récit, il est contraint de rentrer en France en 1917.
Malgré ces épreuves, il poursuit ses études et obtient son baccalauréat en 1919. Il s’engage alors dans des études de médecine à Rennes et à Paris, soutenant sa thèse en 1924. De 1924 à 1928, il met ses compétences au service de la Société des Nations, ce qui l’amène à voyager aux États-Unis et en Afrique de l’Ouest.
À partir de 1927, il exerce comme médecin dans un dispensaire à Clichy. C’est en 1932 que sa carrière littéraire prend un envol retentissant avec la publication de « Voyage au bout de la nuit » sous le pseudonyme de Céline, œuvre qui lui vaut le prestigieux Prix Théophraste-Renaudot. Ce roman marquera un jalon décisif dans la littérature du XXe siècle et continuera à le hanter, lui valant haines et reproches.
L’Écrivain Controversé et l’Exil (Post-1932) 🌪️✍️
La vie de Céline après le succès de « Voyage au bout de la nuit » fut parsemée de controverses. Associé à des positions politiques sulfureuses, il connut l’exil et la persécution. Le narrateur de « D’un château l’autre » se décrit comme un homme que l’on a voulu « fusillé », qualifié de « traître fini, dépeceur de juifs, fourgueur de la Ligne Maginot ». Il fut effectivement emprisonné pendant six ans au Danemark, à Vesterfangsel, Pavillon K, à Copenhague, une expérience qu’il relate avec une acuité douloureuse. Il y souffrit de scorbut et de pellagre, maladies qui laissèrent des séquelles physiques durables, le rendant « tordu pour toujours » et sujet aux vertiges.
Dans les extraits, Céline évoque de nombreux titres de son œuvre, témoignant de sa prolificité littéraire, même si certains de ses livres se vendaient « plus ou presque plus ». Parmi eux, on retrouve Mort à crédit et D’un château l’autre lui-même, cités comme des « grands livres ». D’autres œuvres sont mentionnées, comme Ballets sans musique, sans personne, sans rien, Le Pont de Londres, Nord, Rigodon, Casse-pipe, Maudits Soupirs pour une autre fois, et diverses correspondances et écrits médicaux.
Au moment de la narration de « D’un château l’autre », Céline se dépeint comme un homme de 63 ans et demi, vivant dans une précarité extrême à Meudon-Bellevue, avec sa compagne Lili et leurs animaux. Il continue d’exercer comme médecin, mais sa clientèle se fait rare, et il est en proie à des difficultés financières (chauffage, factures, impôts). Ses biens à Montmartre ont été « tout volé », y compris ses livres, instruments, meubles et manuscrits. Cette situation d’indigence et de persécution nourrit une grande partie de la rancœur et du cynisme exprimés dans le roman.
Résumé Détaillé de « D’un château l’autre » : Une Plongée dans les Abysses de l’Après-Guerre 🤯
« D’un château l’autre » est un récit labyrinthique, où le narrateur, Louis-Ferdinand Céline lui-même, nous guide à travers les méandres de sa mémoire et de son quotidien, tissant un tableau grotesque et souvent hallucinatoire de sa vie post-exil.
La Vie Misérable à Meudon-Bellevue : Entre Maladie et Persécution 📉🏡
Le roman s’ouvre sur la description poignante de la misère du narrateur à Meudon-Bellevue. Âgé de 63 ans et demi, affaibli par l’âge et les séquelles de ses blessures de guerre (70% d’invalidité) et de ses séjours en prison (scorbut, pellagre), il lutte pour sa survie et celle de sa compagne, Lili. Leurs hivers sont rudes, passés sans chauffage adéquat (« jamais plus de + 5° tout l’hiver dernier »). Leurs « économies » et « droits d’auteur » sont partis « aux tourbillons ».
Céline exerce encore la médecine, mais sa clientèle est quasi inexistante. Il se plaint que la réussite d’un médecin dépend du « charme personnel » qui lui fait défaut après 60 ans. Il doit lui-même porter ses ordures, une tâche qu’il perçoit comme dégradante pour un médecin, et qui lui vaut d’être appelé « Monsieur » et bientôt « vieille cloche » au lieu de « Docteur ». Ses livres ne se vendent plus, il est considéré comme « démodé », « radoteux ».
Le narrateur se sent entouré d’ennemis, de « pirates » qui l’ont spolié. Il évoque le vol de tous ses biens à Montmartre, « tous mes livres et mes instruments, mes meubles et mes manuscrits !… tout le bazar ! ». Cette plainte lancinante traverse tout le récit. Il dénonce la duplicité et la cupidité de la société, des politiciens aux éditeurs.
Lili, sa compagne, est présentée comme une figure de résilience, bien que souffrante. Leurs animaux, notamment le chat Bébert et les chiens Agar, Frieda et Bessy, sont leurs seuls fidèles compagnons, souvent témoins muets de leur détresse.
Les Pirates de l’Édition : Achille, Loukoum et Gertrut 📚💰
Une part significative du récit est consacrée à la critique virulente du monde de l’édition et de ses acteurs, principalement incarnés par Achille Brottin, Norbert Loukoum et Gertrut de Morny. Céline les dépeint comme des figures cupides, hypocrites et sans scrupules, uniquement préoccupées par l’argent et le pouvoir.
Achille Brottin est présenté comme l’incarnation du « sordide épicier », un « total milliardaire » qui ne pense qu’à son « pèze ». Il est accusé de spolier ses auteurs, de « faire crever ses auteurs », de les manipuler avec de faux « à-valoirs et contrats ». Il garde les livres de Céline « dans sa cave », espérant les rééditer dans « mille ans » à des conditions avantageuses pour lui-même. Le narrateur l’accuse de tout faire pour que ses livres ne se vendent pas.
Norbert Loukoum, « Président de son ‘Pin-brain-Trust' », est décrit comme le « châtreur-maison » d’Achille, avec une « bouche lourde grasse », une diction « cloaque ». Il symbolise l’incapacité de la critique littéraire à reconnaître la vraie valeur.
Gertrut de Morny, un éditeur rival, est perçu comme tout aussi vénal, bien qu’avec un « côté » qui le « sauvait » : sa passion des lettres et son respect des auteurs. Cependant, il est aussi un « trifouilleur » et un « vieux beau » hypocrite, dont les « paroles tonifiantes » pour Céline visent à le pousser à écrire pour son propre profit. La rivalité entre Achille et Gertrut est ancienne et féroce, portant sur les auteurs, les parts de marché et même les « cocottes ».
Céline exprime un profond dégoût pour ce monde littéraire qu’il juge corrompu, où les « vrais auteurs » sont ignorés ou exploités, tandis que les « nuls » triomphent. Il raille les « Nobels » et « Goncourts », instruments d’une reconnaissance superficielle.
Le Bateau-Mouche « La Publique » et les Fantômes de la Seine 👻🚢
Le récit prend une tournure étrange et hallucinatoire lorsque le narrateur, malade et fiévreux, descend un soir vers le quai de la place ex-Faidherbe à Meudon. Dans l’obscurité, il aperçoit un vieux bateau-mouche nommé « La Publique », numéro 114, apparemment hors d’usage, et des silhouettes qui montent et descendent par trois ou quatre, « encapuchonnées » ou « cach[ant] la figure ».
Ces personnages énigmatiques se révèlent être des « morts », venus pour un mystérieux « passage » orchestré par la figure monstrueuse de Caron. Caron est décrit comme un être formidable, mi-singe, mi-tigre, avec une casquette d’amiral et une rame gigantesque avec laquelle il « éclate le crâne » de ceux qui ne peuvent pas payer leur obole.
Le narrateur rencontre sur ce quai l’inoubliable Le Vigan, un personnage extravagant déguisé en « gaucho boy-scout » avec une barbe blanche et des éperons. Le Vigan, qui connaît la vérité sur ces événements, explique que les passagers sont des « morts » et que Caron les « réveille » à coups de rame pour « leur écume[r] les idées ». Avec lui se trouve Émile, un ancien de la L.V.F. (Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme), qui vient tout juste de « s’extirper de la fosse commune » après avoir été lynché et laissé pour mort. Émile est devenu le « soutier » (chauffeur) de La Publique, accompagné d’Anita, sa femme.
Cette séquence est empreinte de surréalisme et de grotesque, soulignant la confusion du narrateur entre la réalité de sa fièvre et les visions allégoriques de la mort et du jugement. Le « bateau-mouche » devient le véhicule d’une humanité déchue, condamnée à un passage forcé et brutal.
Sigmaringen : Le Château des Illusions et des Déchus 🇩🇪👑
Le cœur du roman plonge le lecteur dans les souvenirs de l’exil de Céline à Sigmaringen, un lieu qu’il décrit comme un « conte de fées et de sorcières ». C’est là que se sont réfugiés les membres du gouvernement de Vichy, les collaborateurs et leurs familles, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Céline y fut médecin pour cette communauté de 1142 « condamnés à mort », comme il les appelle, tous sous la menace de l’article 75 (pour collaboration).
Le Château de Hohenzollern à Sigmaringen, lieu de refuge, est dépeint comme une « biscornuterie » fantastique, un « trompe-l’œil » millénaire, abritant des trésors et des secrets. Les conditions de vie y sont marquées par la famine, le froid, la gale et la peur constante des bombardements alliés et de l’avancée de l’armée Leclerc.
Parmi les figures notables qu’il côtoie :
- Le Maréchal Pétain : Décrit comme un homme digne mais déconnecté, le « dernier roi de France », obsédé par sa promenade quotidienne le long du Danube.
- Pierre Laval : Le Président du Conseil, présenté comme un orateur infatigable et un conciliateur, malgré sa fin tragique (suicide au cyanure). Céline décrit son appartement au Château, « tout Ier Empire ».
- Jean Bichelonne : Polytechnicien et ministre, mort à Hohenlychen des suites d’une opération.
- Fernand de Brinon : Chef de la « Délégation générale du gouvernement français » à Sigmaringen, personnage sombre et dissimulé.
- Hermann von Raumnitz : Un officier allemand, haut placé dans la police, que Céline soigne.
- Alphonse de Chateaubriant : Écrivain collaborateur, qui développe une théorie de la « bombe morale ».
Le narrateur dépeint les scènes grotesques du quotidien à Sigmaringen, des files d’attente pour les toilettes du « Löwen » débordantes aux discussions surréalistes avec les dignitaires déchus. Il est confronté à la lâcheté et à la délation généralisées, où « tout le monde » dénonce « tout le monde ».
La fin du récit à Sigmaringen culmine avec l’organisation d’une délégation pour les obsèques de Bichelonne à Hohenlychen, un voyage périlleux en train à travers l’Allemagne bombardée et enneigée. Durant ce trajet, la délégation, dont font partie Marion et Restif, n’hésite pas à démanteler les somptueuses garnitures du wagon impérial pour se confectionner des vêtements chauds. Cette scène, mêlant absurde et survie, illustre parfaitement la déchéance et l’ingéniosité des personnages.
Analyse de l’Œuvre : Un Récit Fragmenté et Grotesque 🎭🧠
« D’un château l’autre » est une œuvre qui déroute et fascine, principalement par son style, sa structure narrative et sa vision du monde radicalement subjective.
Le Style Célinien : Une Langue Orale et Subversive 🗣️💥
Le roman est l’exemple même du style oral de Céline, caractérisé par :
- Une syntaxe fragmentée et hachée : Les phrases sont courtes, souvent interrompues par des points de suspension, des exclamations, créant un rythme saccadé qui imite le flux de la pensée et de la parole fiévreuse du narrateur.
- Un vocabulaire argotique et familier : Céline intègre un langage populaire, parfois vulgaire, qui donne une authenticité brute au récit et exprime le dégoût du narrateur pour l’hypocrisie et les conventions sociales.
- Les digressions et répétitions : Le narrateur saute d’un sujet à l’autre, revient sur des idées, des événements, des expressions, créant une impression de chaos mais aussi de mémoire obsédante.
Cette écriture est une tentative de traduire le chaos du monde et la souffrance intérieure de l’auteur. Comme il le dit lui-même : « mon style, pratique, expéditif certes ! c’est tout !… et que j’en démords pas ! tudieu ! qu’il est le très simple, expéditif… oh ! mais que c’est tout !… j’en fais pas pour ça des montagnes ! j’aurais de quoi vivre, je serais pas forcé, je le garderais pour moi ! ».
La Frontière entre Réel et Imagination 🌌🧐
« D’un château l’autre » est une œuvre où le narrateur se complaît à brouiller les pistes entre la réalité vécue et les fabulations nées de la maladie, de la vieillesse et du traumatisme. Céline n’est « pas fait pour l’objectivité ». Le bateau-mouche « La Publique » et les figures de Caron, Le Vigan et Émile, avec leurs allures de revenants, sont des exemples marquants de cette fusion entre le réel et le fantastique. La faiblesse physique du narrateur et ses « vertiges » accentuent cette impression, le conduisant à des « hallucinations ». Ce mélange crée une atmosphère unique où le lecteur est constamment invité à douter de ce qu’il lit, renforçant le sentiment de déraison et de chaos.
Une Critique Acerbe de la Société et du Pouvoir 🤬🏛️
Au-delà de l’aspect personnel, le roman est une critique féroce de la société, de la politique et des élites. La description de Sigmaringen, avec ses ministres de Vichy « sans ministère » et Pétain « à la veille de la Haute Cour », est emblématique de cette satire politique. Les figures de pouvoir sont réduites à des caricatures grotesques, prisonniers de leurs illusions et de leur vanité.
Céline critique aussi la guerre et ses conséquences dévastatrices, les villes en ruines, les populations déracinées, la faim et la maladie. Il dénonce la folie humaine et l’absurdité des conflits, tout en remettant en question la notion même de « vérité historique », souvent écrite par les vainqueurs.
L’Héritage de « D’un château l’autre » : Une Œuvre Incontournable 🌟
« D’un château l’autre » reste une œuvre puissante et controversée, à l’image de son auteur. En la décrivant comme « un roman autant que d’une confession », Céline nous invite à une lecture introspective de son propre destin, inextricablement lié à celui d’une Europe en plein bouleversement.
Ce roman, caractérisé par son humour noir, son langage cru et sa vision apocalyptique du monde, continue de susciter des débats. Sa valeur réside dans sa capacité à capturer la déraison humaine et la déchéance morale avec une intensité stylistique inégalée. L’œuvre témoigne de la survie de l’individu face aux pires adversités, qu’elles soient politiques, sociales ou personnelles.
Malgré les polémiques, « D’un château l’autre » s’impose comme un document littéraire et historique essentiel, offrant une perspective unique et dérangeante sur l’une des périodes les plus sombres du XXe siècle. C’est un cri, une invective, une lamentation, qui résonne encore aujourd’hui, nous forçant à regarder en face les aspects les plus laids de notre humanité, mais aussi la force inébranlable de l’expression artistique. Un chef-d’œuvre de la littérature française, à lire et à relire, pour son style, sa puissance et son insolente liberté.